L’Histoire à sa vraie place
- vr4429
- 22 déc. 2017
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Il faut reconnaître à la chaîne de télévision France 5 un certain courage pour s’être permise de programmer - quand bien même l’heure pouvait paraître tardive à certains - son émission intitulée « Quand la gauche collaborait ». On ne l’espérait plus.
Abusés, depuis 1945, par des politiciens qui ont arrangé l’Histoire à leur façon pour mieux reprendre leurs mauvaises habitudes et mieux renouer avec leur esprit de division, les Français ont longtemps cru que le choix entre Vichy et Londres avait obéi à une partition Gauche/Droite. La Gauche aurait massivement résisté, tandis que la Droite aurait collaboré dans sa quasi-totalité.
Deux générations d’écoliers, de collégiens, de lycéens, d’universitaires ont eu l’esprit perverti par ce mensonge, adulant ou rejetant dans leur propre entourage ceux qui étaient, à leurs yeux, des collabos ou des résistants du seul fait de leur appartenance politique.
Révolté par des propos du premier ministre socialiste, Pierre Mauroy, tenus le 16 septembre 1981 à l’Assemblée Nationale, et qui ne disaient pas autre chose, Alain Griotteray s’était jeté avec son stylo sur son papier pour écrire un livre qui se voulait rétablir la vérité « 1940 : La Droite était au rendez-vous ». L’auteur étant un député de Droite, co-fondateur de l’U.D.F., son livre – jugé, sans doute partisan par ses adversaires – a dû tout juste ébranler les Français dans leurs convictions. Mais c’était déjà un début et Griotteray avait eu le mérite de jeter le premier pavé.
Le deuxième pavé allait être plus gros, et, surtout, il était le fruit du travail d’un historien juif, Simon Epstein. Professeur et chercheur à l’Université de Jérusalem, ne siégeant, donc, ni à gauche ni à droite de l’Assemblée Nationale et ignorant, peut-être bien, le lieu même. Gros pavé dans tous les sens du terme. Le livre comporte 610 pages. Un bottin. Rien que des noms. Tous les noms. Dans ses recherches, Epstein s’est posé la question suivante : « où pouvaient bien se trouver dans les années 20 et 30 ceux qui étaient à Vichy, ceux qui travaillaient dans les journaux collaborateurs et ceux qui tenaient les rênes des partis collaborationnistes dans les années 40 ? ». Sa découverte est stupéfiante ! Si on y trouve de tout, on y trouve surtout beaucoup de gens de la Gauche et de l’Extrême-Gauche « pas quelques dizaines, mais plusieurs dizaines ! », comme il le note dans son livre. Un livre auquel il donnera un titre résumant parfaitement les 610 pages de l’ouvrage « Un paradoxe français. Antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance ». Ainsi, Simon Epstein nous apprend que des antiracistes – précisément ceux qui ne nous aiment pas aujourd’hui – collaboraient hier avec l’occupant nazi, pendant que des nationalistes de l’époque - ceux que nous aimons bien – étaient parmi les premiers à résister !… On n’est plus dans un réajustement de l’Histoire, mais dans une toute autre lecture.
Pourquoi un tel mensonge, entretenu si longtemps, avec une mise sous silence de tous les historiens ou journalistes d’investigation qui cherchaient à le démonter ?
Au printemps 1945, la France libérée, l’Allemagne défaite, les hommes politiques retournent à leurs préoccupations. En tenant compte des événements récents qui auraient pu les faire revoir en profondeur leur vision de la politique ? Non, en reprenant, comme si rien ne s’était passé, leurs querelles que la Guerre les avait obligés à mettre de côté pendant six ans. L’opposition Gauche/Droite se reconstruisait en beaucoup moins de temps qu’il n’en a fallu aux artisans du bâtiment pour reconstruire, eux, les villes sinistrées du Nord, de Caen, de Cherbourg, de Brest et de tant d’autres villes anéanties. On sortait de la Guerre. L’époque n’était plus aux nuances. Pour entrer en politique - ou y revenir - il était indispensable de présenter un certificat de bonne conduite pendant l’Occupation. C’était la première des conditions. Connaissant les hommes politiques pour ce penchant naturel qu’ils ont à se prévaloir du bien, il fallait absolument qu’ils aient été résistants et que leurs opposants, par la force des choses, aient été collaborateurs. La légende est née là.
Alors que la réconciliation nationale aurait dû se faire sur la vérité, elle s’est faite sur le mensonge. C’est ainsi que l’Action Française, qui avait pourtant fourni bon nombre de résistants dès la première heure, soit à un moment des événements où il fallait une bonne dose de courage pour aller à contre courant de l’Histoire, était écartée des affaires, quand la S.F.I.O. – ancêtre du Parti Socialiste – se voyaient accorder le droit d’y revenir après avoir laissé une bonne partie des siens s’engager dans la Collaboration.
Pour justifier ce retournement du bon sens, on invoqua – et on l’invoque encore – un principe selon lequel il vaut mieux une contre-vérité qui rassemble à une vérité qui divise. Rassembler qui ?... Imaginons le curé d’une paroisse qui, pour mieux réconcilier ses ouailles, choisirait d’en excommunier la moitié !
La période trouble de l’Occupation s’est trouvée encore plus troublée à la fin de celle-ci, quand antiracistes, socialistes … et même des pacifistes ! – parmi lesquels Simon Epstein a également relevé beaucoup d’égarés dans le camp d’en face – ont inventé l’Extrême-Droite. Un mot très peu utilisé avant la Guerre – à l’époque, on préférait dire « Les Ligues fascistes » - qui devenait une sorte de déchetterie dont on se demande si elle n’a pas été inventée par la Gauche elle-même, pour se débarrasser de ses encombrants. Ces trois familles ont bercé, nourri, élevé, instruit trois générations dans un mensonge. Comme le proverbe qui désigne ceux qui ont bu et qui les condamne à leur vice, le même reproche peut être fait à ceux qui ont menti.
Ce rappel de l’Histoire, qui méritait que l’on s’y attarde un peu, doit être pour nous une mise en garde contre ces belles enseignes bienfaitrices qui, sous des noms charitables, nous cachent de sombres projets. Les antiracistes d’aujourd’hui ont un air de famille avec ceux d’hier. Et si, eux, ont besoin de revenir 300 ans en arrière pour dénoncer des aïeux qui nous déshonorent, nous n’avons pas besoin, pour notre de part, de remonter si loin pour leur trouver de sinistres ancêtres.
Luc KEROG
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