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Résurrection du service militaire ?

  • vr4429
  • 29 déc. 2017
  • 6 min de lecture

Résurrection du service militaire ?

par le Général DUBOIS


Coup d’œil sur la fin du service militaire (1996) :

J’ai vécu, encore en activité, l’agonie du service militaire. Soit disant universel, (il ne concernait que les hommes mais à l’époque c’était considéré comme normal) il était au fil des ans devenu très inégalitaire. Les exemptés étaient légion: réformés pour motifs médicaux réels ou supposés, dispensés pour des motifs variés qui tenaient trop souvent à la notoriété des appuis que le jeune pouvait trouver dans sa famille ou chez les amis de sa famille, formes édulcorées de service, devenues si nombreuses qu’on ne parlait plus de service militaire mais de service national. Les «déserteurs» du service militaire étaient tellement nombreux que des promos entières de lauréats de certaines grandes écoles y échappaient pratiquement. Quand ils n’y échappaient pas, quantité de diplômés intriguaient pour rester près de papa/maman ou de la petite fiancée, quitte à se contenter de n’importe quelle fonction mineure et à se permettre ensuite de critiquer l’armée qui ne les employait pas à leur valeur. Le soi-disant brassage social n’existait plus. En 37 ans de service dans les armées je n’ai jamais rencontré un fils de ministre.


Cette armée, de conscription pour environ deux tiers de ses effectifs, aurait-elle été efficace en temps de guerre ?


Quelques régiments ou formations spécifiques (commandos, forces spéciales par exemple) étaient composés de militaires professionnels. Mais c’était la minorité. Les effectifs de toutes les autres formations étaient à base d’appelés du contingent (sauf une majorité des cadres et quelques engagés militaires du rang), dont le recrutement avait lieu tous les deux mois, et obligeait à un incessant travail de formation de base (les «classes»). L’entraînement opérationnel était lui assez modeste et de plus en plus incomplet au fur et à mesure que la durée du service se réduisait. Dans les dernières années la durée du service était de 10 mois, dont environ 2 mois d’absence (permissions etc). Alors non, l’armée française n’était pas globalement opérationnelle. En cas de crise grave il aurait théoriquement fallu consentir une assez longue période de «mise à hauteur», luxe qu’on ne peut pas se permettre quand il n’y a pas de mer ou d’océan pour se séparer de l’adversaire et se donner des délais. Dans une guerre européenne, qui était l’hypothèse privilégiée, où l’adversaire a l’initiative, on y part comme on est; bien ou mal préparé.


En outre l’engagement d’appelés en dehors des territoires couverts par l’OTAN était impossible. Quand une petite division française a été engagée lors de la première guerre du Golfe en 1991, il a fallu en constituer une grande partie artificiellement et à la hâte en prélevant un peu partout les engagés disponibles. Le pouvoir politique a même renoncé à accepter les appelés «volontaires pour la durée de la guerre» (il y en a eu beaucoup) de peur des réactions de l’opinion publique en cas de pertes au combat. On imagine la cohésion de telles unités. Et encore n’y sommes-nous parvenus qu’imparfaitement car cette division a dû être renforcée sérieusement, lors de son engagement, par des unités américaines (artillerie et génie principalement, sans parler du soutien aérien).


Ce sont toutes ces insuffisances qui ont plaidé pour la disparition d’un système devenu très inégalitaire, cher, peu efficace et qui ne permettait pas les engagements extérieurs avec la souplesse nécessaire. Les soucis liés à l’origine sociologique ou ethnique des recrues n’ont, à ma connaissance, pas joué de rôle important à cette époque-là contrairement à ce qui se dit parfois.


Pourquoi reparle t-on du service militaire ?

A chaque fois que l’échec patent de l’éducation nationale dans la formation de nos jeunes revient sur le devant de la scène, à l’occasion d’évènements dramatiques en général, on retrouve des vertus au service militaire que M. Chirac a supprimé d’un trait de plume il y a plus de 20 ans, sans même un vote de l’assemblée. Une institution républicaine vieille de près d’un siècle méritait pourtant quelques égards.


Évidemment la décision ne risquait pas d'être impopulaire. La "suspension de l'appel sous les drapeaux ne supprime pas la conscription” dit sans rire la loi du 28 octobre 1997. Le recensement reste obligatoire et concerne tous les jeunes Français, y compris les jeunes filles.

Pour être honnête, il faut dire qu'a été maintenue une unique et dérisoire journée "d'appel de préparation à la défense" au cours de laquelle les jeunes (environ 750.000 par an) sont testés sur le plan des connaissances scolaires, ce qui devrait normalement être fait au sein de l’éducation nationale il me semble, et sont supposés être "sensibilisés" aux problèmes de défense en quelques heures ; si la pause-café n’empiète pas trop.


Quand tout va mal, on retrouve donc des vertus aux armées qu’on ignore le reste du temps. Si on reparle du service militaire maintenant, c’est uniquement parce que l’on compte sur l’armée pour pallier l’incurie de notre système éducatif qui instruit mal et n’éduque plus parce que, depuis des décennies, on l’a laissé aux mains d’idéologues acharnés à la destruction de notre société et de notre civilisation. Aucun souci d’une défense plus efficace dans cette proposition.

Pourtant je rappelle qu’un soldat est fait pour faire la guerre et pas pour autre chose.


Ne serait-il pas plus logique de mettre le “mammouth” au pas et d’exiger de lui enfin de faire le travail qu’il ne fait plus ou mal ? Évidemment ce sera moins facile que de donner des ordres aux militaires. Quel dommage que les anciens combattants de mai 68 aient remplacé les hussards noirs de la république !


D’ailleurs, imaginer que l'on puisse maintenant revenir en arrière je n'y crois guère. Les coûts et les délais seront exorbitants pour un résultat attendu plus que douteux. Il n’y a plus d’infrastructure, les installations d’instruction, d’entraînement sont à créer, les matériels à acheter et soutenir. Où trouver les cadres ? Les chiffres évoqués sont au minimum de 3 milliards par an (et à mon avis ils sont minorés), qu’il faudrait ajouter au budget de la défense car il ne saurait être question de ponctionner ces sommes sur les maigres ressources de nos maigres forces réellement opérationnelles.


Pour quelle durée de service ?

On lance des chiffres au hasard; six mois, trois mois. Le chiffre grotesque d’un mois est même avancé. Une semaine serait déjà consommée pour les formalités, l’installation, la perception des équipements. Pour faire quoi ? Quel objectif ? Où trouver les cadres dont la motivation en outre devrait résister à la répétition lancinante d’un tel enseignement? Quelle population serait concernée? Tous les jeunes ? 750.000 par an ? On rêve ! Si cela ne s’adresse qu’aux volontaires à quoi cela servirait-il ? Recruter ceux qui posent le moins de problèmes ? Ou au contraire ceux qui n’auront même plus besoin d’aller chez Daech pour apprendre à manier une arme ?


Oublions le service militaire universel, jambe de bois d’une éducation nationale estropiée. C’est hors d’atteinte et inefficace.


Création d’une garde nationale: quitte à rétablir un service national, même réduit, on peut y penser; les besoins existent dans le contexte de menace terroriste que nous connaissons. En outre voilà une solution qui «fait» république en péril! Elle plaira à beaucoup. Elle est soutenue par des députés de tous bords. Mais là, on n’est plus dans la même optique de supplétif de l’éducation nationale; on a en vue une démarche opérationnelle tournée vers la défense du pays.


Les moyens : il n’y en a pas. Les cadres sont à recruter et former. Même si on admet que ces unités n’ont pas besoin d’un équipement “lourd” comparable à celui des formations de l’armée, cela a un coût. Par ailleurs il n’y a plus de locaux pour héberger ces unités, qu’il faudra payer bien sûr, ni d’installations techniques ou d’entraînement.


Formation : si on ajoute qu’il ne suffit pas de distribuer un fusil et 50 cartouches pour faire un soldat qu’il faudra entraîner à sa mission spécifique, fut-il de la garde nationale, c’est dans le meilleur des cas une affaire qui se comptera en années.


On voit donc bien que cette forme de service militaire, d’une durée à déterminer, tournée vers la défense, ne peut pas concerner la totalité d’une classe d’âge, qu’elle aura aussi un coût, mais qu’en revanche on peut en attendre une certaine efficacité opérationnelle, sur le territoire national, dans le contexte d’insécurité que nous connaissons et qui va durer.


Mais là, encore une fois, on n’est plus du tout dans le souci manifesté par beaucoup de pallier les insuffisances de notre système éducatif. A chacun son métier. On ne fera pas l’économie d’une remise au pas du ministère de l’éducation nationale. Là est la solution. Pas dans l’illusion que l’armée peut se voir confier la mission de combler des lacunes qu’on continuera à tolérer par ailleurs parce qu’on a peur de la corporation.


Général (2S) Roland DUBOIS - VPF Ile de France


 
 
 

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