Retour sur le mur des C…
- vr4429
- 6 janv. 2018
- 3 min de lecture
Avril 2013. Le mur des c… La Justice prise en défaut.

La Justice est la chose la plus difficile au monde. Saint Louis la rendait en s’asseyant sous l’autorité du plus majestueux des arbres, de peur de se tromper. Dieu, Lui-même, n’a pas toujours été sûr de bien la rendre quand Il reconnut, après avoir déclenché le déluge, d’être allé peut-être un peu trop loin. Les gens du peuple la regarde eux-mêmes avec une certaine distance en priant le Ciel de ne pas avoir à s’en servir, se référant à la sagesse populaire qui ne manque jamais de leur rappeler que le jugement des autres peut les exposer à la même chose en retour et, surtout, que l’erreur judiciaire est le pire qui puisse advenir à celui qui la commet. Instruit, à l’École, des fables de La Fontaine, ils ont toujours trouvé profondément injuste que « les jugements de cour les rendraient blancs ou noirs selon qu’ils seraient puissants ou misérables ». Élevant ainsi la Justice à la hauteur des étoiles et l’observant un peu comme un astre souverain au dessus de la condition humaine, ils n’imaginent, à aucun moment, que les hommes et les femmes qui en ont la charge puissent être autre chose que des êtres parfaits.
Et pourtant, jour après jour, ils n’en sont plus sûrs. Sauf à penser que punaiser sur un mur la photo d’un père de famille dont la fille a été sauvagement assassinée, en le désignant sous un qualificatif grossier, soit devenu un signe reconnaissable de la perfection. La Garde des Sceaux de l’époque avait minimisé la chose en la ramenant aux dimensions d’une simple blague de potaches, sans se rendre compte – ou en s’en moquant tout bonnement – qu’elle commettait deux fautes graves. Elle retirait toute valeur morale aux jugements prononcés à posteriori par ceux qui avaient eu l’idée d’afficher la photo sur le mur. Elle jetait le doute chez le justiciable sur l’état réel de l’âme et de la conscience des juges qui auront du mal à s’en honorer même en mettant de la gravité dans leurs présentations d’usage. Désormais, une personne sans trop de conscience pourrait être envoyée en prison par quelqu’un qui en a encore moins qu’elle.
Et puis, il y avait aussi le nom donné à ce mur. Un nom qui rompait curieusement avec la solennité des prétoires et la noblesse de la fonction. Un nom grossier, aux multiples sens, qui nous faisait soudainement penser que le droit devait finir par en manquer à son tour, dans l’esprit et sur les lèvres de juges qui prononçaient dans leur arrière-boutique un mot qu’ils n’auraient pas toléré dans leur salle d’audience. Même un enseignant en français aimant les blagues se retiendrait d’en dire, à la pause café, en employant des mots dont il venait d’interdire l’usage à ses élèves. Et il se retiendrait bien plus encore si l’idée lui venait de punaiser dans la salle des professeurs la photo d’un élève malheureux au prétexte qu’il désavoue la réaction de ce jeune face à la souffrance. On peut imaginer que l’enseignant aurait été suspendu par sa hiérarchie. Les juges du mur des c… ne l’ont pas été par la leur.
Ils se sont abrités derrière le principe de l’indépendance de la Justice en oubliant une chose : l’indépendance, comme le statut juridique du même nom, nous expose. Jamais elle ne nous protège.
Luc KEROG VPF 56
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