Hypocrisie
- vr4429
- 22 févr. 2018
- 3 min de lecture

Autrefois, les tyrannies étaient franches, directes, brutales. Exercées au sommet de l’Etat, institutionnalisées, elles s’affichaient sans honte et obtenaient, souvent même, l’adhésion des populations sur lesquelles elles exerçaient durement leur pouvoir, même si celles-ci finissaient par s’en affranchir à la fin après s’y être enchaînées au début. Elles ne se prévalaient d’aucuns grands principes humains, tels que nous les concevons aujourd’hui, comme la construction d’un monde meilleur, l’égalité, la liberté, l’abolition des privilèges, l’amitié entre les peuples, le désarmement, et toutes autres belles choses... Bien au contraire. De l’Antiquité à nos jours, les grands dictateurs ont toujours annoncé à l’avance leurs plans de destruction, leur goût pour la hiérarchie, leur main mise sur l’opinion, leur volonté de conquête, leur penchant pour la guerre.
Alors que, des dictatures d’avant, tout devrait nous éloigner, rien ne nous sépare. Sauf par une présentation un peu curieuse de la démocratie qui trouve normales, aujourd’hui, des façons de faire qu’elle condamne quand elles se produisaient dans le passé, ou quand elles se produisent encore aujourd’hui chez les autres. Toujours au nom de la démocratie. Juste en changeant les noms. En nommant les choses autrement. En nous expliquant que ce n’est pas pareil.
C’est ainsi qu’au nom de l’égalité la France est devenue le Pays des exceptions à la règle, des places réservées, des priorités à l’embauche, des exonérations d’impôts, des dispenses de cours, des avantages particuliers, des régimes spéciaux, des subventions exceptionnelles, des parcours individualisés, des différences catégorielles, des traitements de faveur, des études au cas par cas…
La liberté, dont le champ s’étend à l’infini pour les uns quand il se rétrécit, jour après jour, pour les autres, appelle les mêmes remarques pour être entachée des mêmes défauts. L’opinion ne prend plus l’air du dehors. Elle ne respire plus que dans l’atmosphère confinée des studios de télévision et de radio qui ne pourraient respirer, eux-mêmes, sans l’argent public. Des médias sont privés de subventions quand d’autres en vivent à foison. Des fondations, pétries d’honnêteté, ne peuvent espérer voir le jour, à chaque lueur de l’aube, que grâce aux dons de leurs bienfaiteurs qu’elles ne peuvent même pas budgéter à l’avance, quand des associations, aux buts souvent non avoués, s’allouent des salaires reconductibles d’année en année, grâce au denier public, avant même de commencer à dispenser leurs bienfaits.
Les privilèges, dont on pensait qu’ils avaient disparu depuis un 4 août, perdurent avec ce parfum de vieille aristocratie qui nous fait penser que, finalement, la chose la plus précieuse que les démocraties ont conservé des monarchies, c’est leur train de vie … qu’elles mènent souvent dans les mêmes lieux. Mais là encore, il suffit de changer les noms, de nommer les choses autrement. En nous expliquant que ce n’est pas pareil. Ainsi, la note salée pour une réception somptueuse au château de Versailles, intolérable en 1789 pour les futurs républicains de l’époque, est devenue tolérable en 2017 pour ceux d’aujourd’hui, grâce une alchimie des mots qui permet de passer en comptabilité une facture qu’on présente comme le prix normal d’une bonne démocratie.
Quant à l’amitié entre les peuples, le désarmement et toutes ces autres belles choses, que nos hommes d’Etat nous disent porter dans leurs cœurs, comme le bleuet du 11 novembre et du 8 mai sur le revers de leurs vestons, ils n’ont guère plus fière allure à l’examen des faits. Ce n’est pas le patriotisme qui occasionne les guerres, même si ses excès ont pu, dans le passé, être à l’origine de certaines d’entre elles. C’est l’argent, quand on lui laisse prendre l’odeur du « fumier du diable ». Les armes que l’on est prêt à vendre à n’importe qui, même à des pays aux régimes politiques monstrueux qui feraient presque rougir de honte les grands dictateurs que le XXème siècle nous a servi dans nos livres d’Histoire. L’économie mondialisée, dévoyée, pour les seuls intérêts des plus grands, qui peuvent même donner à ses maîtres l’envie de détruire un pays au seul motif d’avoir à le reconstruire tout seul en décrochant les marchés.
Alors … Tout compte fait, quelle différence entre une tyrannie franche, directe, brutale, qui affiche sans honte ses projets funestes, et une démocratie, dont les buts ne le sont pas moins, mais qui nous assure se les être donnés dans un seul souci d’égalité, de liberté et de fraternité ? La différence est l’hypocrisie.
Luc KEROG - VPF 56
Comentários