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Mai 68 (2)

  • vr4429
  • 3 avr. 2018
  • 3 min de lecture

Lorsqu’une maison ne nous convient plus, on a le choix entre la rénover ou la détruire, en ayant bien à l’esprit que si on la rénove, on se contente d’une réforme, tandis que si on la détruit, on fait une révolution.


Avant d’opter pour l’une ou l’autre, on se donne le temps de réfléchir. On fait un état des lieux. On organise un tour de table avec les occupants du logis pour avoir l’avis de chacun, en ayant soin d’écarter – bien évidemment – les suggestions un peu trop fantaisistes ou les propositions un peu trop coûteuses.


En 1968, la maison France ne convenait plus à certains. Pas au plus grand nombre qui ne s’en plaignait pas, juste à un petit nombre qui s’y sentait à l’étroit et qui s’y ennuyait. La tapisserie manquait singulièrement de romantisme, les fenêtres d’ouverture sur le monde et les plafonds d’élévation vers la lumière. Le maître des lieux était un vieux général qui ne comprenait rien à la jeunesse et – pour couronner le tout – les chambres des filles étaient interdites aux garçons.


On aurait pu attendre avant de casser. On a préféré casser tout de suite. Sans réfléchir, sans état des lieux, sans tour de table, en faisant payer cher et en mettant de la fantaisie partout.


Pour bien montrer la laideur de l’édifice, il fallait en vanter un autre. Son contraire. Dans le catalogue des étudiants parisiens figuraient en premières pages les plans de construction de deux joyaux de l’architecture socialiste de l’époque : le castrisme et le maoïsme (le communisme soviétique avait déjà moins la cote), avec leurs deux maîtres d’œuvre dont nos étudiants avaient agrandi les portraits pour leurs défilés, Che Guevara et Mao Tsé Toung. Les pères fondateurs de deux idéologies qui faisaient rêver des jeunes gens qui pensaient qu’elles allaient leur offrir tout ce que le gaullisme leur refusait depuis des années : la liberté de parole sans restriction, la liberté de déplacement, l’objection de conscience, l’abolition de la peine de mort, le droit de ne pas faire comme tout le monde … Bref, tout ce que les cubains et les chinois avaient obtenu chez eux après avoir, eux aussi, mis par terre leurs édifices d’antan. Du moins, nos jeunes révolutionnaires le pensaient-ils, ou faisaient-ils semblant d’y croire.


L’élan de la jeunesse est une belle chose quand il faut aller vite, il peut être un défaut majeur quand les engagements exigent un temps de réflexion. Car si la valeur n’attend pas le nombre des années, il en faut quand même quelques unes pour apprendre, retenir, relire, vérifier pour être sûr de ne pas s’être trompé, avant de s’engager dans une action qui vise, ni plus ni moins, à détruire un monde pour en mettre un autre à la place. Leur a-t’on dit, aux enragés du Quartier Latin, que la Révolution culturelle chinoise, dont ils rêvaient, avait été une véritable abomination qui s’était soldée par des millions de morts ? Daniel Cohn Bendit, Jacques Sauvageot, Alain Geismar, qui les ont entraînés dans ces nuits de guérilla où l’on déracinait les arbres, dépavait les rues, brûlait les voitures, où l’on se donnait l’illusion du courage en s’inventant un ennemi SS qui n’existait pas, ont-t-ils prévenu ces jeunes qu’en allant visiter Cuba et la Chine – pour peu qu’ils aient été autorisés à y entrer – ils croiseraient sur leur chemin les réfugiés politiques de ces pays accomplissant le trajet inverse pour venir se mettre à l’abri chez nous ?


La révolution de Mai 68 n’en aura pas été une parce que la France n’est pas devenue ce que les émeutiers parisiens voulaient qu’elle soit. Dans l’histoire des grands mouvements de libération, on lui trouverait une petite place, juste pour sourire et se moquer un peu, car jusqu'à ce jour Daniel Cohn Bendit n’est ni le nom d’une avenue, ni le nom d’un lycée, ni celui d’un aéroport, encore moins celui d’un porte-avions. Che Guevara n’est plus une figure romantique de la révolution que pour Madame le Maire de Paris et la Chine est devenue l’une des économies les plus capitalistes du monde.


Aussi que pourrait-on bien célébrer en mai 2018 ?... A part la fin des bonnes manières, je ne vois pas.



Luc KEROG - VPF 56


 
 
 

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